Aujourd’hui, cela fera 60 ans que la Caravelle a effectué son premier vol, le 27 Mai 1955 pilotée par Jean Nadot. Ce soixantième anniversaire est l’occasion de faire un bref retour sur l’histoire exceptionnelle de cet avion qui a marqué durablement l’industrie aéronautique française.
La construction d’un avion de ligne à réaction en série a été un véritable défi pour notre industrie aéronautique française. En effet, au sortir de la seconde guerre mondiale, toutes les usines ayant été bombardées, il fallait tout reconstruire. De plus l’aéronautique avait fait de grand progrès durant ces années de guerre, notamment avec l’avènement du turboréacteur.
Après la guerre, une augmentation du trafic aérien civil était prévue, ce qui a poussé les constructeurs à reconvertir des anciens bombardiers en avion de transport, réutiliser les avions de transport de la guerre, où construire de nouveaux avions de ligne à moteurs à pistons d’abord et à turbopropulseurs ensuite.
Les premiers vrais avions de ligne à réaction ont été le De Havilland Comet (premier vol le 27 Juillet 1949) et le Boeing 707 (premier vol le 14 Mai 1954).
Après la construction de quelques avions de ligne à moteurs à pistons (Bréguet 763 Provence dit Deux Ponts et SNCASE SE-2010 Armagnac entre autres), la France a décidé de lancer un programme d’avion de ligne à réaction au début des années cinquante. Créé en 1946, le Secrétariat Général à l’Aviation Civile et Commerciale a publié un cahier des charges pour un avion moyen courrier capable de transporter une soixantaine de passagers sur 2000 km à 7500 mètres d’altitude.
Sud-Aviation a présenté un projet pour un avion de ligne tri-réacteur ayant une disposition inédite: les réacteurs étaient situés à l’arrière de l’avion. Une voilure en flèche et des servocommandes hydrauliques. Abandonnant le réacteur ATAR prévu à l’origine, la Caravelle est devenue un biréacteur en adoptant le réacteur Rolls-Royce Avon RA29, et un accord a été conclu avec De Havilland pour utiliser le même cockpit que le Comet. A sa sortie, l’avion a suscité l’étonnement avec la disposition de ses réacteurs et sa ligne moderne. La forme des hublots très particulière a marqué les esprits et surtout les réacteurs à l’arrière de l’avion sur les côtés du fuselage (moins de bruit en cabine et aucune dégradation des performances de l’aile).
Les premières commandes n’ont pas tardé à arriver grâce à Air France, Scandinavian Airlines System et Varig. En effet après les essais de l’avion, une tournée a été entreprise en Europe, Afrique, Amérique du Sud et du Nord. L’avion a été le premier gros succès d’un avion français à l’export et pour cela il a aussi fallu se faire à de nouvelles normes, telle que la norme ATA 100 et la rédaction des divers manuels de l’avions en anglais. Il a aussi fallu utiliser des nouveaux outillages plus modernes et satisfaire des clients étrangers n’utilisant pas le système métrique.
Les ingénieurs et ouvriers français ont donc réussi à relever le pari de construire cet avion révolutionnaire en partant de zéro !
Notons au passage qu’avant sa mise en service commerciale, le 16 avril 1959 la première Caravelle F-BHRA a effectué un vol plané entre Paris et Dijon en 46 minute de vol, en partant de 13 200 mètres d’altitude pour finir à 1 600 mètres, soit une distance de 138 miles nautiques (256 km) cela grâce à une finesse maximale de plus de 22. Ce record fut vite battu le 11 octobre de la même année par la première Caravelle de la compagnie VARIG avec une distance de 204 nm ( 328 km ) avec une finesse proche de 23 !
Un des plus beaux succès à l’export de la Caravelle a été la vente à la compagnie américaine United Airlines de vingt Caravelle en 1960. Cette vente a été une révolution, d’abord par la vente d’avions français à une compagnie américaine importante et surtout par le fait que les américains pensaient que des avions à réaction étaient surtout adaptés aux vols longs courriers et United Airlines a pris un véritable pari en achetant la Caravelle. Il faut d’ailleurs relever le fait que les américains ont été très surpris de la qualité de l’avion.
Dans la foulée de cette vente, une tentative d’accord pour construction sous licence avec Douglas a été engagée; les transactions ont échoué mais Douglas en a profité… Cela a conduit à la construction du Douglas DC-9 sorti en 1965.
Au fil des ans la Caravelle a grandement évolué et a été déclinée en une douzaine de versions. La Caravelle a été le premier avion de ligne pouvant décoller et atterrir de manière automatique. Ce système appelé “Atterrissage Tout Temps” a été développé conjointement par les société Lear et Air Inter et la première mondiale opérationnelle en ligne a été réalisée le 09 janvier 1969.
La version “III” de la Caravelle a été la plus construite (85 exemplaires) et les versions “I” et “II” ont été reconverties en “III”. A partir de la Caravelle “VI R”, les moteurs utilisés étaient dotés d’inverseurs de poussée permettant de supprimer le parachute frein jusqu’alors utilisé. La dernière version, la “XII” était capable de transporter plus de 130 passagers, disposait d’un APU (Auxiliary Power Unit ou Groupe de Puissance Auxiliaire) mais on était au début des années 70, la concurrence devenant de plus en plus féroce, l’ère de la Caravelle était terminée… seuls 12 exemplaires de cette dernière version ont été construits pour Sterling Airways et Air Inter qui pris livraison de la 282ème et dernière Caravelle en 1973.
Caravelle XII Air Inter F-GCVK ex Sterling Airways OY-SAG aujourd’hui à l’IAAG.
La Caravelle était très appréciée par ses équipages et mécaniciens, deux anciens mécaniciens danois de Sterling Airways, John et Pii, m’ont confié récemment qu’ils avaient préféré travailler sur la Caravelle que sur les Boeing 727 sur lesquels ils ont travaillé après.
Cockpits de Caravelle “III” et “XII”
En 1972, les chaînes de production se sont arrêtées après 282 exemplaires construits. Elle laissait place désormais à une autre aventure, européenne cette fois, avec Airbus.
Les derniers exemplaires ont volé jusqu’au début des années 2000 en Afrique. Une ancienne Caravelle de l’armée de l’air suédoise est toujours entretenue en état de vol par l’association “Le Caravelle Club”. De nombreux exemplaires se trouvent aujourd’hui dans des musées ou centre de formation pour futurs techniciens aéronautiques. La beauté de cet avion marque toujours les esprits et le souvenir parmi les personnes ayant travaillé sur cet avion est toujours bien vivace.
C’est pour ces raisons que pour le soixantième anniversaire de l’avion, le musée Aeroscopia et l’Aérothèque à Toulouse vont organiser une série d’événements à partir d’aujourd’hui.
Voici quelques liens utiles:
Les événements organisés par
Aeroscopia les-26-27-30-et-31-mai
Photos: Enzo Blin
3 Comments
sepecat
Un avion à l'esthétique très réussie… et qui volait bien.
Je connaissais l'existence du vol plané Paris / Dijon, mais j'ignorais que celui-ci avait été réitéré et amélioré par un second exemplaire de cet appareil.
Côté innovation, n'oublions pas l'escalier intégré à l'arrière qui, sauf erreur de ma part, était là aussi une nouveauté sur un avion de ce type.
Ces nouveautés ont été particulièrement "pompées" par les avionneurs US qui, là aussi sauf erreur de ma part, eurent des rapports conflictuels ensuite avec les Français au sujet de brevets non respectés (on jettera ici un voile pudique sur les déboires du Bréguet-941 en territoire américain).
J'ai le souvenir d'avoir suvi toutes ces péripéties (Caravelle, Bréguet, etc…) dans le périodique "Aviation Magazine", aujourd'hui disparu (à confirmer ?) et que je dévorais dans ma prime jeunesse, alors que mes petits camarades de classe se jetaient sur les vignettes Panini de joueurs de foot.
Bons souvenirs, en tout cas.
Anonyme
J'ai volé pendant trois ans (75 à 77) sur Caravelle 10R et 11R à Air Afrique. Je n'ai jamais réussi à me défaire de ma documentation personnelle rédigée pendant le stage au sol en 1974. Nostalgie quand tu nous tiens ! Petit détail amusant concernant l'exploitation de ces machines : ces Caravelles étaient certifiées en France pour un équipage minimum de trois personnes (deux pilotes et un mécanicien navigant) alors qu'à l'exportation elles étaient certifiées avec un équipage de deux pilotes uniquement. Les Caravelles Air Afrique étaient exploitées en équipage à deux (deux pilotes uniquement).
Anonyme
N'oublions pas le vol AF 1611 Ajaccio-Nice du 11 septembre 1968 qui fût, à ma connaissance, le seul accident accident aérien avec Caravelle, faisant 95 disparus.