Il y a une question qui revient souvent sur internet. Pourquoi le Rafale ne se vend pas ? La question est simple mais pourtant la réponse est complexe, et doit être analysée sur plusieurs plans. Malgré tout, il faut garder à l’esprit que même sans signature, l’avion porté par le GIE Rafale (Dassault, Safran et Thales), a remporté le plus important marché de ce siècle, à savoir, la compétition MMRCA en Inde, que ce soit sur des critères techniques et financiers.
Cet article sera publié en deux parties. Avant de vous parler de la raison de la non vente du Rafale dans une prochaine publication, je vous parlerai ici des choses plus heureuses avec la présentation des prospects de l’avion français.
1) Le Qatar. C’est le pays qui pourrait signer le plus rapidement. Le choix du Qatar n’est pas officiellement arrêté, mais l’ensemble des avions modernes a effectué des campagnes d’essais au Qatar (F-15, F-18 Super Hornet, Typhoon II). Le Rafale aurait très bien supporté les conditions particulières du climat local, une chaleur qui n’aurait eu aucune incidence sur les capacités opérationnelles de l’avion français, contrairement aux autres. Les liens entre le Qatar et la France sont en outre politiquement et militairement très forts, en témoigne la participation de mirage 2000 qataris lors des opérations aériennes en Libye. Une première pour ce pays, rendu possible grâce aux français qui ont pris en charge les personnels qataris, et dont les patrouilles ont toutes été mixtes (franco-qataries) dans le souci d’une intégration correcte dans une opération menée sous des normes OTAN.
Nombre d’appareils concernés : 36
Les précédentes estimations du nombre d’appareil à commander étaient de 18 à 24. Le Qatar aurait fait le choix d’augmenter considérablement le nombre de ses avions de combat, en faisant passer son armée de l’air de 12 avions actuellement à 72 ! Cette énorme augmentation n’est pas un problème financier pour ce petit pays richissime, mais le changement du format des forces aériennes ne peut pas évoluer aussi rapidement vers une telle quantité d’appareils. Ainsi, plusieurs sources parlent de deux lots d’avion de 36 appareils dont les acquisitions seront séparées de plusieurs années.
2) L’inde. L’inde n’est plus un prospect à proprement parler, puisque la compétition MMRCA a été gagnée techniquement et financièrement. Cependant les discussions sur la mise en place de l’industrialisation locale de l’avion et du transfert de technologie est extrêmement complexe et prend du temps, comme expliqué dans cet article.
Nombre d’appareils concernés : 189 (126+63 en option)
3) Les émirats arabes unis. C’est le prospect qui aura soufflé le chaud et le froid. Tout le monde y a cru, et pourtant. Mais rien n’est encore joué. La spécificité de ce contrat est que l’émir souhaite se doter de ce qu’il y a de mieux, en faisant évoluer certaines capacités de l’avion, dont certaines nécessitent un effort important de développement. Développements qui ont un coût et, au-delà du simple prix de l’avion, sont un point d’achoppement lors des négociations. Sans compter que l’armée de l’air des EAU est une des mieux dotée du moyen orient, avec les versions les plus sophistiquées des Mirage 2000 et F-16, et n’est donc pas
Pressée.
Nombre d’appareils concernés : 60
4) Le Brésil. C’est certainement l’appel d’offre qui aura duré le plus longtemps. Le programme d’acquisition FX2 risque désormais de se transformer en FX3. Alors que tout le monde pensait que Dassault aurait signé pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, des divergences politiques ont enterrées le dossier. Puis ce fut au tour de la condition sociale et économique difficile du pays avec les émeutes qui ont suivies d’enterrer le dossier. Pourtant il y a urgence pour la force aérienne brésilienne. Les mirage 2000 d’occasion vendus par la France seront retirés du service avant qu’un nouvel avion n’arrive en parc, en 2014. Une ultime modernisation de leurs F-5 devraient assurer la jonction. Le choix du Rafale est par contre loin d’être certain et le choix semble être fortement politique. Au niveau des enjeux industriels et économiques, la France s’est engagé à commander des transporteurs Embraer KC-390 et à fournir un transfert de technologie sans limite. La suède qui propose le Gripen a déjà créé un bureau d’étude commun au Brésil, et Boeing est devenu un partenaire de premier niveau sur le programme KC-390.
Nombre d’appareils concernés : 36 (108 très éventuellement, mais pour un appareil de 7ème génération peut-être…)
5) La Malaisie. Ce pays est devenu en quelques années un client important de l’industrie militaire française. Le Rafale aurait toute ses chances. Certaines informations récentes révèlent que la Malaisie demanderait en contre partie à la France de ne pas bloquer un de ses produits d’exportation, l’huile de palme.
Nombre d’appareils concernés : 18
6) Le Koweit. Sous la protection du parapluie militaire américain le Rafale a malgré tout une chance de remporter un marché. Mais aucune information n’a filtré depuis plusieurs mois. Son concurrent le plus sérieux est le F-18 E/F Super Hornet.
Nombre d’appareils concernés : 18 (22 selon certaines estimations)
7) Le Canada. Suite à la polémique née de l’engagement du gouvernement Harper à acquérir le F-35 sans compétition, et en sous estimant délibérément le coût du programme, une compétition est en voie d’être ouverte. L’armée canadienne étant intégrée au NORAD (commandement militaire nord américain) et les pressions politiques de son voisin immédiat étant importantes, beaucoup d’observateurs pensent que le pays choisira une autre solution américaine. Néanmoins, la pression médiatique ajoutée à celle des canadiens dans un grand pays démocratique peut laisser de l’espoir à d’autres compétiteurs, tel le Rafale. L’avionneur pourrait proposer de bien meilleures compensations industrielles, et Dassault est en train de discrètement préparer le terrain en cherchant des appuis politiques.
Nombre d’appareils concernés: 65? Ce nombre correspond au nombre d’avions minimum en parc permettant au Canada d’assurer la police de son immense espace aérien. Il est aussi lié au prix du programme F-35, le Canada ne pouvant en acquérir plus. Nul ne sait encore de quoi sera fait l’appel d’offre: Maximum d’offre pour un prix fixe, ou un nombre fixe d’avions où le moins disant sera avantagé ?
Au total, le nombre de Rafale pouvant trouver preneur hors de l’hexagone s’élève donc à 422. Tout espoir n’est donc pas perdu pour le fleuron de l’industrie aéronautique militaire française, bien au contraire. Dans la prochaine partie de cet article à paraître prochainement, je vous expliquerai pourquoi le Rafale a échoué sur d’autres marchés, et quelles sont ses principales forces et faiblesses par rapport à la concurrence.
5 Comments
Antoine Romano
Mais est ce que la production des usines Dassault pourrait suivre une telle demande, pour l'instant ils sortent 11 rafales par an mais en cas de deux grosses commandes simultanées pourraient ils tenir la cadence? Si non auprès de quelle compagnie pourraient ils sous traiter?
Bruno ETCHENIC
11 Rafale par an c'est peu, mais en même temps, beaucoup trop pour la France. L'armée de l'air souhaite en effet réduire la cadence pour consacrer des budgets à d'autres choses urgentes. Les premières ventes exports se feront donc en prélevant une partie de ces 11 avions produits par an.
Concernant l'Inde par exemple, seuls 18 avions seront produits entièrement en France. Les autres le seront progressivement en Inde. Et cela pourrait être le cas dans d'autres pays.
James
Il faut compter environ 3 ans entre la fabrication de la 1ère pièce et le 1er roulage d'un Rafale. Donc s'il y a signature, ils ont le temps de s'adapter.
Antoine Romano
Ce qui est valable pour Dassault vaut aussi pour les équipementiers comme Safran et Thalès bien sûr.
Bruno ETCHENIC
C'est pour ça que j'ai parlé en début d'article du GIE Rafale. GIE pour Groupement d'intérêt économique. C'est un modèle économique d'entreprise bien propre à la France, comme l'était Airbus jus-qu’il y a peu.
Le Gie est composé de ces trois grandes entreprises en effet.