La presse canadienne et internationale ont largement fait l’écho des remous politiques suscités par la décision faite par le Canada d’acquérir des F35A afin de succéder à sa flotte vieillissante de CF18 Hornet.
Sans rentrer dans les détails des affaires politique, des engagements pris par certains et pas par d’autre, des prix avancés qui ne sont pas les bons ou ne comprennent pas les même paramètres et sur le fait qu’il n’y a pas réellement eu d’appel d’offre émit pour le plus gros contrat militaire du pays, il y a deux autres éléments qui ne sont que très peu pris en compte par la presse, voire pas du tout : L’aspect de retombées industrielles pour le pays, et la réponse de l’avion au besoin des forces armées canadiennes.
Commençons par la partie des retombées industrielles :
Le programme JSF étant particulier sur le plan industriel et du partenariat, il serait opportun de vous faire un petit rappel.
Les importants contrats d’achat d’armements entre deux pays peuvent se traiter de différentes manières. La plus simple, après un appel d’offre ou un contrat de gré à gré, le fournisseur fournis le matériel, et le client paye. Mais plus le contrat est important dans un domaine aussi sensible et concurrentiel des avions de combats, plus les pays acquéreurs en profitent pour récupérer une partie de la somme investie sous la forme d’une participation au programme ou d’un investissement retour calculé sur un pourcentage du montant du contrat.
Pour le programme Join Strike Fighter, c’est différent. Si un pays veut devenir partenaire du programme, il doit d’abord investir une somme d’argent dans le programme en fonction du niveau de participation souhaité (trois niveaux possibles), somme injectée dans le développement du programme. En retour, le pays se voit attribuer des contrats industriels au niveau de sa participation. Le gros avantage du programme JSF c’est que l’industriel ne fabriquera pas seulement des pièces pour les avions achetés par son pays, mais pour l’ensemble des F35 vendus dans le monde.
Dans les faits, le Canada a déjà investi de l’ordre de 150 millions (1) de dollars dans le programme, et s’est vu attribuer en retour des contrats pour ses industries entre 350 et 450 millions de dollars suivant les sources (2). Pour un coût du programme estimé à 16 milliards de dollars dans la fourchette basse, le retour sur investissement sécurisé est de moins de 3% en prenant en compte 450 millions de dollars de contrats décrochés pour le développement de l’avion, … Lorsque l’on sait que les indiens exigent et obtiennent, dans le cadre de leur appel d’offre des offset d’au moins 50% sur la valeur du contrat, on se dit que le retour sur investissement canadien est très faible. Une chose par contre n’est pas encore actée, c’est la valeur totale des biens produits par l’industrie canadienne pour l’ensemble des F35 qui seront vendus de par le monde. Au vu de l’augmentation constante des coûts du programme, et de la réduction de cibles, gageons qu’il sera très difficile pour le Canada d’avoir un retour sur investissement aussi intéressant que dans d’autres types de contrats dans le monde. Pour le moment, à ma connaissance, rien n’a été signé en ce sens, et l’industrie aérospatiale canadienne est inquiète.
En ce qui concerne les capacités opérationnelles de l’avion :
En regard des besoins canadiens, plusieurs incohérences ont été révélées, comme par exemple l’absence de perche de ravitaillement en vol compatible avec la flotte de ravitailleurs canadien (une des solutions serait de remplacer la flotte vieillissante de ravitailleurs canadiens en achetant des avions équipés de perches et non plus de tuyaux souples équipés de paniers…)
L’avion n’est pas non plus équipé de système de communication par satellite, ce qui le rend incompatible avec les évolutions dans le grand nord canadien.
L’avion est monomoteur ; Si à l’époque le Canada s’était procuré des F18 et non des F16, c’est justement à cause de la sécurité apportée par la redondance des moteurs. Cela poserait également des problèmes de compatibilité avec l’utilisation de terrains de déroutement situés dans les régions éloignées.
Autre problème, et non des moindres. La cible d’une flotte de 65 (3) avions achetés par le Canada est aussi le nombre minimum d’avions à acquérir pour pouvoir assurer la défense de l’espace aérien du Canada. Là où le bât blesse, c’est que ce chiffre ne tient absolument pas compte d’une attrition malheureuse, mais systématique. On peut donc conclure sur ce seul état de fait qu’à moins que la flotte de F35 canadiens ne connaisse aucun accident, le coût du programme augmentera forcément.
Le ministère de la défense, en rapport avec ce chiffre donné s’est justifié en disant que le F35 ne sera pas déployé en opération extérieures (4), et que dans le cas d’une intervention aux côtés d’une coalition internationale, des drones armés feront l’affaire.
Ceci est encore d’une incohérence extraordinaire.
Premièrement, le F35, même s’il est multi-missions, n’est pas un avion taillé pour la supériorité aérienne. Il lui faudrait pour cela de bien meilleures performances en terme de vitesse et de distance franchissable, surtout pour le Canada qui est, je le rappelle le deuxième plus grand pays en terme de superficie au monde (et qui sera défendu par seulement 65 avions !) Son emport est de plus limité à seulement 4 missiles air-air, là où la plupart des chasseurs concurrents en emportent 8. A cela, les officiels vous répondront que la furtivité est un gage de supériorité absolu et nécessaire, rendant le F35 supérieur aux autres chasseurs de son temps. Ceci n’est pas vrai, et si la furtivité apporte un gain de serviabilité certain actuellement, les systèmes de détections seront aussi améliorés dans le temps, rendant le F35 aussi visible qu’un voleur s’éclairant à l’aide projecteur pour commettre son méfait.
Autre incohérence, le F35 est un avion destiné au strike avant tout, c’est à dire l’attaque au sol. Beaucoup justifient de la furtivité pour pouvoir approcher de plus près des objectifs stratégiques à haute valeur et à pouvoir les frapper dès les premiers jours d’un conflit. Le F35 serait donc un avion idéal suivant ce dernier critère pour intervenir en opex, et non pas pour surveiller l’immense territoire Canadien.
Conclusion.
Sans faire un papier supplémentaire à l’encontre du F35, il n’est pas difficile de noter ici la problématique rencontrée par le Canada dans son programme de renouvellement de sa flotte d’avions de combat. Pourtant, du fait du retrait programmé de ses CF18 en 2020, le Canada se retrouve dans l’urgence de trouver rapidement un remplaçant. Il n’est déjà pas sûr que les USA mettent leurs propres F35 en services à cette date… Il est de ce fait encore plus difficile d’imaginer le Canada être en mesure de pouvoir faire mieux. A ceux qui disent « Right plane, Right now » (traduisible grossièrement par « l’avion qu’il nous faut, au moment où il le faut), je répondrai l’inverse.
Le gouvernement canadien, en tout cas ceux qui défendent cette acquisition s’enterre en annonçant que c’est le seul avion disponible et répondant un minimum aux critères de la royal canadian air force, et que de toute façon il n’y a pas de plan B. Il y a pourtant d’autres avions capables de faire aussi bien sinon mieux, pour moins cher et avec des retours industriels bien plus importants (Eurofighter, Rafale, Super-hornet) mais ça, c’est une autre histoire, et il ne nous appartient pas de la réécrire.
(1) http://news.gc.ca/web/article-eng.do?m=/index&nid=548059
(2) http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2010/07/16/007-achat-f-35-economie.shtml
(3) http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/English/parl_oag_201204_02_e_36466.html
(4) http://www.huffingtonpost.ca/2012/02/15/canada-f-35-fighter-contract_n_1280213.html
5 Comments
Montaudran
Effectivement en parlant strictement opérationnel c'est l'Eurofighter qui semble le mieux répondre à leur besoin suivi par le Super Hornet.
Mais l'opérationnel est un élément parmi d'autres plus politique et même probablement secondaire.
Bruno
Et le Rafale alors 😉 ?
Alexx
Le Rafale.. Trop chère.. sa masse = sont prix en or..
Bruno
Il est pourtant moins cher que l'Eurofighter. C'est le B2 Spirit qui est affublé de cette fameuse maxime disant qu'il vaut sa masse en or.
Dany84
Pour avoir parler avec des pilote de la 3e escadre de Bagotville, 425e escadron d'attaque et de chasse, le F-35 ne fait pas le bonheur de tous. de par se limitation, et le faible nombre prévu, bien des pilotes doute qu'il soit un si bon appareil. J'ai demander a un pilote quel est l'utilité d'un chasseur furtif pour intercepter des avions civil ou militaire qui n'ont pas de radar air-air? (Les avion russe pénétrant l'espace aérien et l'ADIZ canadien sont des bombardier, ravitailleur, et des transporteur). La réponse: Aucun avantage, de toute facon, 95% des avions que nous interceptons sont dépourvu de radar air-air, et les tres rare chasseur qui s'approche de notre ADIZ, le font en ''cold nose'' (radar éteint).
Perso, pour le défense aérienne, je mise sur le typhoon, en multirole: le F/A-18 E et F, et des G pour le 414e escadron de guerre électronique (qui ne vole pas en ce moment), et les f-35 pour les frappe de haute précision hors Canada (comme en Lybie, et su Kosovo).
Mais le fait es que: Même si le Canada n'a actuellement signé aucun contrat d'achat, que des lettre d'intention, des modification sont planifier et en cour a la 3e escadre de Bagotville, et la 4e escadre de Cold Lake afin de repondre aux besoins particulier des F-35.